Le capitaine de corvette Ghislain Ferra remonta à pas rapides le couloir menant au saint des saint, le salon lilas du Palais impérial. De ce qu’il savait, toutes les communications à l’exception des systèmes accrédités -en somme ceux qui ne quittaient jamais la pièce-, étaient brouillés. Le carra ses épaules sous ses insignes noirs et or frappés d’une barrette violette, signe discret de son appartenance à l’Office of Naval Intelligence, et frappa. Il entra sans attendre de réponse, il annonçait simplement qu’un coursier accrédité venait se préparait à entrer, car au fond, c’était tout ce qu’il était. Ferra ignora tout à fait les deux gardes ecazans qui veillaient à la morte. Ces hommes et femmes, muets comme des tombes, étaient formés aux meilleures techniques de protection de personnalité, d’opération de police et de contre terrorisme. Et ils étaient bons là dedans, tout simplement parce que l’on n’en entendait jamais parler...
Ferra se dirigea aussitôt vers l’amiral Titovinov, chef d’Etat-Major de la planification stratégique de la flotte impériale et actuellement siégeant en compagnie de Hermann Bor, ministre de la Défense, Claudio di Montalbano, ministre des Affaires étrangères, Charles d’Artencourt, ministre de l’intérieur, et l’Empereur lui-même. L’impératrice était en retrait mais néanmoins présente. Titovinov reçut le porteur de donné qui trouva grâce dans sa tablette informatique. Ferra s’éclipsa comme il était entré. L’amiral consulta rapidement le fichier et le sommaire du rapport en première page.
-Sire je vous confirme les informations du Ministère des Affaires. Il y à actuellement une montée en puissance significative en cours en République Royale de Skeïb et en République Populaire de Perléo. Ses signes extérieurs constatables par source ouverte, notamment, sont un rappel des personnels des astroports civils et la redirection du trafic civil afin de laisser les couloirs prioritaires libres, quelques indiscrétions et des mouvements importants dans les gares et sur les axes routiers skeïbiens. Nous disposons sur place d'un excellent réseau informel avec tous ces coopérants techniques sur place à Mazaharpet.
-Qu’en pensez-vous ? Alexandre s’était adressé à tous présents dans la pièce.
-Nous avons un mouvement d’ordre politique qui peut être dissocié en deux étapes, Sire. Commença di Montalbano. Premièrement une pré-positionnement des forces planétaires de Mazaharpet à proximité des astroports, enfin un vote à huis clos. L’ONI confirmant ce qui précède et une potentielle mobilisation de l’Alganzaar Navy, je ne vois actuellement que deux scénarios s’offrant à nous. Le premier étant une nouvelle expédition vers Nouvelle Jérusalem, une vague de renfort devant permettre une nouvelle offensive. Le second est une mobilisation ayant trait aux événements sur ayant Erikea... J’exclus une action offensive contre Valia sans forces lourdes skeïbiennes sur la Cordillère.
-Et que chercheraient à faire nos... Clients ? Demanda l’impératrice Catherine.
-À vrai dire Altesse, je ne sais pas, admit di Montalbano.
-Je dois dire qu’une telle éventualité me laisse perplexe également, Altesse, enchaîna Titovinov. Le fait est que même avec une participation alganne, les troupes perléennes étant négligeable et tout au plus au niveau de la Milice des Etats-Unis, cette force biologique entraînée par Seranon, la force combinée que les mazaharpiotes pourraient mettre sur pied serait d’une faiblesse évidente au regard de la densité d'Erikea et ne pourrait réaliser davantage qu’un raid stratégique. Elle n’aurait aucun mal à se maintenir en orbite et à bénéficier d’une supériorité spatiale sur Erikea à l’heure actuelle mais elle serait incapable de tenir au sol dans la durée. Disons qu’elle pourrait difficilement perdre mais elle serait également incapable de gagner. Je ne perçois pas de gain stratégique immédiat voir même à long terme. Plutôt du choas à vrai dire.
-J’ai cru comprendre qu’une telle coalition ne pouvait pas remporter de victoire, Erikea ne pourrait donc pas être défaite par une telle force ? Demanda Alexandre.
-Erikea non, enfin probablement pas. Mais le régime a toutes les chances de ne pas y survivre en dépit du noyau dur que forme l’ECA et la Légion Bane. Des pans entiers d’Erikea pourraient échapper au contrôle du Diktat et ceci pour longtemps.
-Quelles en seraient les conséquences ? Claudio ?
-Un chaos, comme l’a précisé l’amiral. Une chute du régime Warrington selon nos bureaux de renseignement ne manquerait pas de dégénérer en guerre civile avec des conséquences à l’échelle des Etats-Unis.
-N’a-t-elle pas déjà débutée cette guerre ? Fit remarquer Bor, le ministre de la Défense.
-Si nous adoptons une lecture interne de la situation érikeanne non, répondit aussitôt d’Artencourt, le ministre de l’intérieur.
-En effet, confirma di Montalbano. Nos bureaux estiment que le Diktat mène en vérité une action de nettoyage au sein de ses propres forces. Peut-être que l’attaque de ressortissants séraniens était un moyen de les confondre ou tout simplement de leur couper les ailes. Peut-être y a-t-il été poussé par son aile ultra. En tout cas elle n’a pas agit toute seule et je crois que sur Seranon aussi on s’en doute. Il n’est pas possible actuellement de déterminer quelle sera la réaction séranienne, surtout si les mazaharpiotes interviennent en détachant des éléments lourds, autant de forces en moins pour veiller sur la Fédération de Valia qui serait en mesure de provoquer des dégâts considérables chez deux des trois potentiels coalisés.
-Nous devrions donc considérer que le déploiement mazahar se fera sur Erikea ?
-C’est le pire des scénarios, Sire, mais peut-être vaudrait-il mieux raisonner comme cela...
-À quoi devrions-nous nous attendre ?
-Tout d’abord à une inaction de la République Fédérative d’Alttoria. Une telle situation l’avantage très fort et pourrait en faire notre alliée objectif au rétablissement de l’ordre le cas échéant. Seranon en principe n’acceptera pas une telle attitude des mazaharpiotes et pourrait s’y opposer. Elle pourrait néanmoins être contrainte de suivre le mouvement imposé par ses alliés si elle ne veut pas voir le pacte voler en éclats entre une Seranon seule, des mazaharpiotes coalisés et une FIV alliée aux Etats-Unis contre ladite coalition. Le membre fort du secteur deviendrait par défaut Alttoria, potentiel faiseur de Roi, plus encore que lors de la guerre de succession d’Erikea où son revirement fut tardif et on ne peut plus opportuniste. Il ne faut pas négliger non plus que Seranon a vu ses citoyens devenir éléments sacrifiables d’une équation interne à Erikea. Terry Alexander pourrait également poursuivre son rêve de vaincre Erikea de façon définitive et par là de terminer sa guerre civile en la portant sur Erikea. La liquidation du Diktat lui permettant de potentiellement mouler les Etats-Unis à son image. Solaria serai dans un tel cas de figure une inconnue en dépit d'un effort militaire orienté vers son propre système stellaire.
-Aussi simplement que cela ? S’étonna Catherine.
-Pas aussi simplement que cela, le contrôle total d’Erikea ne pourrait probablement pas être atteint, même avec une alliance entre Seranon et une coalition Mazahar incapable de tenir dans la durée à l’exception d’Alganzaar.
-Les finances des planétaires sont à ce point dans le rouge ?
-Perléo n’a pas de quoi tenir une guerre insterstellaire, répondit Titovinov. Quant à la République Royale, elle va certainement réduire ses commandes chez nous ou suspendre ses opérations quelques part... Ses finances semblent être dans un état désastreux, proche de la banqueroute, à en croire plusieurs experts et la planche Couronnes ne présenterait qu'un sursis en cas de conflit à mener sur deux voir trois fronts... Les opérations coloniales ont presque rendues le pays ingouvernable et une opération sur Erikea achèvera de le faire à mon humble avis. Seranon est plus à même de tenir dans la durée mais ses fondamentaux sont faibles et elle s’est engagée dans une sécurisation de son propre territoire qui va lui demander du temps, de l’argent... Et des hommes. Je dirais que dans un tel scénarios, les principaux gagnants à long terme seraient alttoriens, algans ou séraniens voir solariens.
-Que donnerait une guerre civile ? Demanda Alexandre.
-Warrington, s’il survit, bénéficierait de l’appui de colonies partiellement stabilisées mais c’est presque tout. Du moins cela dépend de la stratégie adoptée par ses ennemis, qui selon leurs actes lui laisseront ou non une réserve importante d’argent, susceptible de permettre l’achat de troupes. Milice formée par Seranon, mercenaire... Etc. Erikea est composée de villes ou presque seulement. Le ravitaillement en nourriture de ses cités-ruches en cas de conflit prolongé sur le sol même de la planète serait problématique. Il faudrait s’attendre à un grand nombre de morts dans l’année, du fait de combats, de déni de service hospitalier ou tout simplement de la faim. Un scénario de guerre civile ferait dramatiquement chuter la population, l’économie érikeanne serait durablement paralysée, ce qui au regard de l’économie galactique serait déasastreux. En ce qui nous concerne, nos commandes d’hexanox raffiné ou brut chuteraient... Nous serions cependant en mesure de rattraper avec des produits finis ou semi finis dans un processus d’acquisition industrielle du fait d’une suspension en termes relatifs de l’activité secondaire sur Erikea. Le besoin d’armes sera également grand. Il existe d’autres palliatifs économiques, tel le plan J-7 et ses conséquences économiques et géopolitiques avantageuses. L'inconnue là aussi serait Solaria, son indépendance politique en serait fortement affectée...
-Engager la flotte ? Cela serait un peu risqué dans le contexte actuel.
-Uniquement en cas de guerre civile et de désordre majeur à l’échelle du pacte de Seran-Valen. L’appui, passif ou actif, de l’Union -et des concessions dans l’opération- serait en outre fondamental.
-Nous devons également, en cas de désordre à l’échelle érikeanne, envisager une forte tentative de migration depuis Erikea ainsi qu’un accroissement phénoménal de piraterie et de crime interstellaire organisé. Des structures déjà existantes pourraient voir apparaître des gens prêts à tout pour subsister ainsi que du matériel lourd à leur échelle. En matière électronique, d’armement, de propulsion. La question de la flotte marchande d’Erikea et plus particulièrement de ses équipages, partiellement formés à la guerre, n’est pas neutre...
-Je vois. En l’occurence que faisons-nous ? Je ne crois pas qu’une intervention militaire soit avisée, tout comme il y à une semaine...
-En effet, une telle intervention ne serait pas une bonne idée, Sire, répondit l’amiral.En revanche, nous pouvons user de cette situation pour accélérer plusieurs chantiers de réforme prévus. Actuellement notre capacité de déploiement terrestre ne dépasse pas le million de soldats, aussi efficaces soient-ils. Nous devrions au moins tripler cette capacité. Je demande, Sire, l’appui du gouvernement pour mettre en oeuvre les avant-projets de réforme De Sève et Borodine sur les forces d’infanterie de la Flotte et l’accroissement de notre capacité avancée et de transport stratégique. Ces réformes influent le renforcement de la station Amalfi avec le doublement au moins de ses capacités de feu. Borodine en privilégie le triplement à court terme....
-Vous l’avez, répondit Alexandre immédiatement. Vous m’aviez assuré que la semaine passée que les stocks de la Flotte disposaient de tout ce qu’il fallait.
-Oui Sire, cependant il faudra veiller à les reconstituer au plus vite et à lancer immédiatement les programmes d’études des croiseurs lourds et des projets de bâtiments de lignes ainsi que les nouveaux chasseurs de combat. Je crois que tous les Etats-Major apprécieraient l’étude d’un nouveau aérodyne blindé, les actuels ont quarante ans et arrivent pour certains au bout de leur potentiel d’évolution...
-Ceci sera abordé.
L’amiral quitta la pièce, son rôle d’expert technique et de conseiller plus proche de la réalité militaire était achevé. Un épilogue, beaucoup plus politique, s’ensuivit.
-Sire, commença Bor. Une partie de ce que l’Empereur vient de concéder à l’amiral a toutes les chances de susciter des interpellations au Sénat. Je pense surtout à l’accélération des réformes de la Flotte et l’impact économique d’une accélération des dotations des équipements modernes qu’une telle politique réclamerait.
-Spacetech ne produit pas pour l’instant au maximum de ses capacités je crois. Il me semble que l’entreprise peut parfaitement s’acquitter des commandes des destroyers Lance ainsi que de l’ascenseur séranien en plus de la complétion des stocks de la Navy. Le gouvernement ne pourrait-il pas accroître les moyens consacrés à la mission de formation sur Pergale ?
-C’est parfaitement envisageable, Sire. Actuellement nous allons principalement solliciter la Flotte et pas l’armée de terre. Ceci dit nous aurons vite atteints un niveau incompressible de réduction du facteur temps. La formation de la garde républicaine de Pergale est déjà bien entamée et ses éléments sont presque en mesure d’opérer de manière supplétive par rapport à nos forces. L’action efficace en tant qu’unité constituée devrait prendre encore un an au moins... Leur flotte spatiale quant à elle ne devrait pas actuellement présenter un appoint d’une importance stratégique...
-Parfait. Ce conseil restreint décide donc du renforcement de notre base avancée la station Amalfi dans le secteur Proxima avec ses conséquences en termes de complétion des stocks, soutiendra devant le Sénat l’accélération des réformes des troupes de marine et le lancement immédiat des programmes d’études du Centre Technique Interarmes et des industriels. J’ajouterais que le gouvernement devrait chercher à appuyer davantage nos industriels dans le secteur Pegasus, notamment en matière de défense et de sécurité mais aussi à s’assurer de la solvabilité des clients de notre commerce en la matière. En somme, le gouvernement ne fera actuellement que faciliter les conditions d’un déploiement d’importance à l’avenir, le cas échéant. Il s’assurera également le soutien ou la neutralité de l’Union des Territoires Eloignés en cas de nécessité d’engagement dans le secteur Pégasus ou dans sa périphérie.
Les ministres marquèrent leur accord.
-Bien, dans ce cas je présenterai cette ligne au gouvernement demain matin, à 9h30, lors de la présidence du Conseil des ministres afin que nous arrivions à un consensus.
Et consensus il y aurait, avec le ministre de l’intérieur présent, chacun s’était assuré que les deux partis politiques les plus puissants en plus des démocrates très appuyés dans le milieu des affaires soient présents et donc, implicitement, engagent leurs formations au Sénat, ce qui représentait une large majorité.
Sujet: Salon lilas 
Lun 31 Mar 2008 - 17:34
