Une livraison calme, une suite agitée ?

Petit coup sur ma tête. Petits coups, même. Mmmrf, maman, laisse moi dormir et apporte moi un jus d'orange... Rmh ? Maman ? On ouvre un oeil. Aïe.

Kens : Tomas ? On est arrivé ! C'est génial non, seulement deux jours, avec trois heures d'avance et on est déjà arrivé ! Comme si on avait traversé l'espace nimbé d'une aura de chance toute particulière et...

Regard qui tue.

Kens : Et qu'on ne pouvait être stoppé par rien, ni vent, ni marée, ni mafieux, comme si nous étions... Une patrouille ancienne, tirée d'une nuit profonde, destinée par un mandat céleste à...

Regard qui génocide.

Kens : à... à... Euh... Fred t'attends pour les instructions...

Bon gamin. Je me lève, la gueule dans le pâté, et m'assieds une seconde sur la couchette. Bordel, faut que je réussisse un jour à ouvrir les yeux en moins de trente minutes, ça pourrait m'aider. Un regard sur mes "quartiers". Comprendre : 3x3 mètres, une grosse cellule avec une couchette, une lampe vaguement fonctionnelle, et un paquet de câble qui traîne. Oh, et un casier, où je range Wizi. Normal. Je ne vais pas l'éloigner de moi quand je dors, un père abandonne-t-il ses enfants ? Non, c'est indigne. Au moins autant que moi, mais encore une fois, ce n'est pas le problème. Bon, notez que je plains les mécanos qui dorment dans leur matos, la pilote qui se contente de son siège, les frangins qui dorment où ils peuvent allonger leurs carcasses -pour ce que ça leur fout...- et les artilleurs qui se relaient entre sommeil/poste de combat. Pas de pitié pour les crevards, manifestement. Enfin... On fait avec, as usual. Et avec la vingtaine de tonnes de matos, ça nous aide pas.

Allez, zou. On se lève et on y va. Le gamin n'a pas tort : un miracle d'arriver aussi facilement à bon port, 50000 cred' cadeau. La suite ne sera pas si simple, à mon avis. Ca sent les emmerdes. Les grosses emmerdes.

Ah, le poste de commande. Le seul endroit parfaitement clean du vaisseau. Preuve que c'est une femme qui dirige....

Frederique : Seulement vingt minutes. Tu t'améliores Hart. Un jour, tu parviendras peut-être à mener la barque d'une manière plus proche du pathétique que du catastrophique actuel.

Moi aussi je t'aime, ma grande...

Frederique : On arrive à bon port. Enfin sans le port. Je me comprends.

Un regard sur la pilote. Une walkyrie allemande. Sisi, le sale caractère surtout. Et encore, elle a l'air sympa là.

Frederique : On lance la procédure immédiatement, où ils nous appellent en premier ?

Hart : Jamais tourner le dos ou passer les premiers. Je préfère entendre leur voix avant de donner notre position sciemment...

Saloperie de réflexes quand vous nous tenez...

Il fallu attendre une bonne demi heure avant que les capteurs du J ship ne relèvent une signature s’approchant à vitesse moyenne. Un sondeur actif titilla le vaisseau de Tomas, faisant tressaillir Frederique. Aucun pilote n’aimait se faire accrocher par un sondeur actif sans préavis.

Fred orienta ses optiques, l’astronef approchait par trois quart tribord et par...la poupe. C’était un sloop Nunavik, armé jusqu’aux dents.

-Ici le Féroce, forces de sécurité du syndicat, veuillez vous identifier.

Les capteurs du petit Warick s’illuminèrent. Le sloop avait activé son armement et son radar de tir avait acquis le petit cargo. Il était manifeste qu'il valait mieux répondre très vite...

Tiens, la belle de glace qui n'est plus si glaciale que ça. Bon en même temps, avec le mastard qui est là, on ne risque pas de s'en tirer sans mal si celui-ci venait à avoir envie de nous titiller les plates-bandes. Autant la jouer poli voir grand prince.

Hart : Je t'ai filé le code. Balance leur histoire d'éviter de se faire cramer avant d'avoir reçu notre paie...

Quelques instants filent. Rien compris non plus à ces procédures, heureusement qu'elle s'en occupe pour moi... Bon, la comm', elle est pour bibi. L'est où, le machin pour... Ah, là.

Hart : Ici le... Le vaisseau dont vous pouvez lire le matricule à condition de vous casser le cul, bonne chance j'ai jamais réussi à l'apprendre. Le code d'autorisation est en train...

Fred : Est.

Hart : Est transmis en ce moment-même. On est les gentils livreurs de pizzas qui ne demandent rien d'autres que le pourboire, z'allez pas nous descendre, les gars ? On a même les portes-clés publicitaires, pas beau ça ?

Merde, je peux pas fermer ma gueule, des fois ? Maintenant, on prie pour ne pas se faire descendre en cours de route. On prie même, pour qu'ils se soient levés d'un meilleur pied que bibi. Sinon, c'est à la pince à épiler que je devrai ramasser mes dents et celles des gars...

Un flottement d'une dizaine de secondes crispa tout le monde à bord.

-Code reçu. Veuillez changer d'azimut de 102 degré sur tribord, assiette + 1. Bienvenue.

Le sloop vira de bord dans la même direction après un virage large le plaçant sur bâbord arrière du J Ship. Les deux vaisseaux filèrent pendant dix minutes jusqu'à atteindre une planète tellurique, deux satellites orbitaient autour d'elle. Derrière l'un d'eux se montra une petite escadre. Trois sloops, en plus du nunavik avançant actuellement, deux cargos légers ST 100 d'origine krypto-arkilienne avaient été réarmés en canonnières et un Bulwark dont l'usage semblait impossible à déterminer, se cachaient là derrière. Une corvette Ho Chi Min et deux Ontario et enfin, un cargo de class trenton sérieusement réarmé faisaient office de vaisseaux lourds. Le cargo les conctacta. Un autre astronef, un ST 100, était accroché au cargo à proximité d'une de ses baies d'appontage, il déchargeait du fret.

-Cicé à vaisseau en approche, veuillez vous amarrer au pont deux, transpondeur activé. Les pinces magnétiques vous prendront en charge pour l'approche finale.

Le petit vaisseau, après avoir passé le sas, eut accès à un hangar déjà plein de chasseurs de tous types, d'une navette de classe phénix et de caisses de ravitaillement. Une équipe technique l'attendait pour décharger. Trois officiers se trouvaient également à l'écart...

Woh putain... Les sales petits rats. A croire qu'ils allaient nous descendre en plein vol, j'avais déjà le capuchon de mon stylo ouvert, capuchon au sol, pour léguer mes non-possessions à mes non-proches.

Hart : Bien reçu, on entame... Bah on entame le changement de cap.

Regard glacial de ma chère pilote. Oui, je n'y connais rien. Et alors, tu sais, toi, viser le plexus d'un homme en mouvement avec Wizi ? Non. Bah alors ? Chacun son job. Au moins, elle sait faire le sien, même pas eu le temps de penser à tout ça que le vaisseau est prêt à être ammaré. Bon. Recommunication.

Hart : Vaisseau en approche à Cicé, message bien reçu, manoeuvre d'amarrage en cours.

Dieu que je déteste cette partie du boulot. Jouer le coursier de l'espace, oui, tranquille, aucune emmerde... Mais devoir rendre des comptes comme ça à des empêcheurs de tourner en rond et des chieurs professionnels... Enfin. Bon.

Hart : Continue la manœuvre, je m'occupe de dire bonjour à nos nouveaux amis.

Et on sort du poste de pilotage sans attendre la réponse. Bon, le vaisseau, lentement, s'amarre. Jusque là, tout à l'air de bien aller. On s'est pas encore fait dézinguer, youpi. Déjà, les deux frangins se ramènent et le sas s'ouvre. Je descends d'abord, inutile de les effrayer en montrant les deux ogres de trois bons quintaux en cumulé. Va leur faire peur, aux choupinets. Les deux connaissent déjà la procédure : mettre la main à la patte et montrer à l'équipage qu'on est pas des fonctionnaires. Les autres restent à bord jusqu'à ce que je leur dise de descendre. Bon. Bon bon bon. Une équipe de techniciens, eux vont faire le sale boulot. Tiens, trois à l'écart, en uniforme. Eux, s'ils savent récurer un pont, alors je suis un officier du Pacte. Allez, on leur sort le grand sourire, et on s'allume une clope. Cherchez pas, je m'éloignerai pas de mon vaisseau, les boyz. Question de standinge, même.

Laissant les équipes technique faire leur travail élémentaire, les trois hommes finirent pas s'approcher lorsque toute opération présentant un danger fut achevée. L'homme qui manifestement était le plus haut gradé était quelqu'un de relativement petit, enfin pour Tomas, qui avait trois têtes de plus que lui. Brun et luttant visiblement contre une barbe qui avait tendance à pousser dru, l'homme devait avoir quarante ans, peut-être quarante-cinq. Il était brun sans être noir comme l'étaient ses yeux, peu portés sur la plaisanterie. Son uniforme, noir, ne portait que quelques marquages distinctifs vert sombre.

-Je suis le Capitaine Karm Turjpat al Haweini. Je vois que vous nous avez amené notre équipement à bon port capitaine. Comme il vous est dû votre puce-reçu sera validée. Morgan, vérifies si tout est en ordre et surtout... si les explosifs et le matériel de secours est là.

Un homme, portant un uniforme bleu nuit et des galons bleu ciel se détacha. Grand, les yeux bleus, les cheveux et la barbe châtain clair. Théodore Morgan était assez connu dans son milieu de mercenaire, et Tomas qui en avait entendu parler ne pouvait que se rappeler les prix qu'il exigeait pour ses services. L'opposition en face devait être... conséquente. La vérification fut rapide, tout y était, y compris le matériel télescopique de construction de sas temporaires. Grenades, armes blanches, tenues de combat, munitions et explosifs divers étaient en parait état. Provenant d'Alttoria, de l'Union, d'Arkilia, de Seranon ou encore de Bulkarr, l'ensemble pouvait paraître hétéroclite mais bien utilisé, il ferait du dégât.

Il ne restait plus qu'à valider cette puce...

Turjpat, qui s'était détendu dès que le matériel avait été sorti, passait déjà aux "choses sérieuses".

-Vous avez opté pour participer à ce raid m'a-t-on dit. Votre pilote est-il doué en rase motte ?

Une petite latte. Bon, on note les trois têtes. Lui, c'est le boss, il confirme. Lui, son nom me dit quelque chose... Merde c'est pas... Le mec qui, en cirant les pompes d'un officier, gagnait ce que nous nous gagnons en butant une frégate ? Si, c'est lui. Bon, on note : des pontes, donc du gros gibier en face. Ou bien c'est un suicide, ou bien c'est un parrain local qu'on va devoir dézinguer.

Hart : Tomas Hart, capitaine. On me confie une cargaison, je l'amène. Enfin il parait. On m'avait donné un pack de six à distribuer à vos hommes, mais les miens se sont jetés dessus, toutes mes excuses.

T'as pas l'air d'être un rigolo, pépère... Bon ben... Tu feras avec !

Hart : Je préfère m'en mettre plein les fouilles en participant à un assaut que livrer de l'engrais à des moines, oui. En plus, si je peux faire passer à la trappe quelques membres des familles... Sinon, je me serai probablement engagé dans la marine marchande, chose que je n'ai pas faite : je ne mens pas assez bien.

En rase-motte ?

Hart : En rase-motte... Bon, on va devoir éviter des radars, ou utiliser une grosse bombe qu'on va devoir délicatement placer quelque part sous le feu ennemi ? Je tiens à signaler qu'on est plutôt des spécialistes du corps-à-corps, mais si vous voulez vraiment qu'on joue avec le "J-Ship", alors oui, ma pilote est qualifiée pour toutes les conneries que vous voulez faire effectuer à ce tas de ferraille. Il faudrait éventuellement refaire une maintenance entière.

Bon point : une maintenance à l'oeil. Mauvais : elle va m'en vouloir. Un bruit lourd. Les deux qui viennent de sortir. Je tourne un oeil vers les frangins.

Hart : Faites gaffe vous deux ! Je vous ai à l'œil ! Le premier qui casse quoi que ce soit de la cargaison...

Ah, comment punir des mecs qui font deux têtes de plus... Ah oui, des gamins.

Hart : Je les prive de... ce que vous savez !

Je n'ai pas la moindre idée de ce que c'est, mais vu leur tête... Ça a du marcher !

Turjpat hocha la tête. Effectivement les moines... Il y avait de quoi frisonner de dépit.

-Il va falloir aller plus vite que les radars et les canons qui se servent d'eux, tout simplement. On ravage la colonie agricole principale d'un des cousins Gomenzo. Roméo Gomenzo-Ortiz, celui qui met la patte dessus va toucher un paquet.

Vous devrez voir ça avec mon officier tactique Olsen Willsdorff, il vous intégrera dans l'assaut et expliquera tout ce qu'il y aura à faire pour vous. Si des membres d'équipages ne sont pas nécessaire à la manoeuvre ils pourront prendre part à l'assaut. On vous y expliquera aussi les règles de répartition des prises. Willsdorff donnera les informations dans une heure. D'ici là, quartier libre.

Pour la maintenance... votre cargo semble avoir bénéficié d'une belle révision il y à peu. On l'examinera à la fin de l'action si vous le désirez. Votre part, si vous survivez, devrait être suffisamment conséquente pour vous adresser à des réparateurs affiliés au syndicat, ils offrent réduction, c'est connu...

Il n'y avait plus rien à dire, le Capitaine tourna les talons et retourna sur sa passerelle. Il y avait encore une approche de treize heures à peaufiner, deux reconnaissances à lancer et s'assurer que le ST 100 venu livrer les nouveaux missiles puisse partir tranquillement sans révéler la position de sa petite escadre. Enfin il fallait revoir une dernière fois l'organisation des troupes ne dépendant pas directement de Morgan, ou plutôt les types de bric et de broc, pirates et bandits, ramassés ça et là, n'opérant pas habituellement dans une grande compagnie structurée et efficace... Que du boulot, mais au moins ça payait bien.

Merde. Pour la révision à l'oeil, c'est foutu. J'acquiesce simplement. Autant faire preuve de... Hum... A nouveau : de politesse princière. Ca vaut mieux, oui. On tourne les talons, et on se dirige vers le vaisseau. Une heure de quartier-libre, tu parles... Une heure de préparation, d'explications, et de prise de tête. Enfin...

Les deux frangins ont l'air d'être réglos. Je n'aurai pas à les priver de leur... Quelque chose. Ils savent quoi manifestement, pour une fois qu'ils savent quelque chose. Ok, on note : en rase-motte, direct dans les roubignolles Gomenzo, on leur coupe la queue, on est fait un poisson frétillant, on s'en met plein la panse en massacrant ceux qui sont sensés la protéger, et on décampe. Roméo, Roméo, pourquoi es... étais-tu Roméo ? Pas de bol pour toi. Le mérite d'être simple. Trop simple, ces mecs ont généralement des coquilles monstrueusement solides... Pas pour rien que même les gouvernements ne parviennent pas à mettre la main dessus.

De retour dans la cabine de pilotage. Elle est toujours là, elle ?

Fred : Tu vas rester là combien de temps à me mater, Hart ?

Moi ? Non, jamais.

Hart : Le rase-motte, j'espère que tu apprécies. Sinon, ce sera confit de mercenaires sauce Gomenzo. Et moi je préfère te voir te casser le cul plutôt que cramer dans l'espace ou écrasé au sol.

Fred : Tu n'as pas pu tenir ta langue devant lui, hein ?

Hart : Moi ? Mais non, qu'est ce qui...

J'aime pas ce regard.

Hart : Tu sais que je déteste ces mecs assis le cul sur une chaise qui...

Ah ouais, elle est pilote.

Hart : Sur une chaise de bureau, loin du combat. Je parlais pas de toi et... Et je vais te laisser...

Mieux vaut partir avant qu'elle ne décide de m'administrer un traitement de choc pour que j'arrête de déblatérer mes conneries. Brmf. Les mécanos, maintenant. L'avantage de ce vaisseau ? Dix mètres entre chaque section... Seulement Ronny ici, pas de Kens en vue. Il picole encore. Bah tiens.

Hart : Dans une heure, l'équipement de moi et des deux brutes doit être prêt, nettoyé, poncé, ce que tu veux.

Ronny : Bien sûr, en une heure, attends je sors mes outils magiques et je demande l'aide des farfadets du cosmos ! S'il te plait, merci, non ?

Hart : Mais de rien.

Héhé, trop facile avec ce vieux... Les artilleurs maintenant ? Non, eux tireront, ils le savent... Que faire... Bon, tout le monde bosse, et en chef, je sais ce qu'il me reste à faire. Je retourne dans ma cabine. Une heure ou presque de tranquillité en fait. Qu'il est bon d'être le patron. Je ferme les yeux. Sommeil. Fumer au lit, c'est mal. J'aime ça.