Rassemblement en orbite de la planète au nom imprononçable

Sans aucun doute, Tino Galtieri avait hérité des mêmes gênes que son oncle, le célèbre milliardaire et baron du proxénétisme de Kamensk, Carlos Galtieri: les deux étaient graisseux, et même si l'embonpoint que jeune n'égalait pas celui, légendaire, de l'énorme patriarche, il devait déjà peser un certain nombre de fois celui de Hel. Celle-ci gardait son expression commerciale habituelle, sans sourire ni faire percevoir quoi que ce soit, pendant que Tino Galtieri claquait de ses doigts longs mais épais. Un de ses trois hommes de main s'avança jusqu'à 'Stave Björn, qui pris la petite machine à unique utilisation qu'on lui tendait. Avec nonchalante, il jeta le créditeur par dessus son épaule. In extremis, l'un des siens la rattrapa.
Un sourire sans joie déforma le visage porcin du Galtieri, pendant que de sa gorge montait une sorte de grognement qui devait être l'ébauche d'un rire.

-Toujours une joie d'avoir des hommes de confiance dans le coin, fit sa voix gutturale, avant de, son regard dérivant au dessus de Hel et quelques autres, ajouter: et des femmes, bien sûr.

Quand on connaissait les habitudes du clan Galtieri, c'était d'un cynisme gênant, d'autant plus que le tas de graisse ambulant souriant d'un air mauvais. Toutefois, Hel haussa intérieurement des épaules, tout comme d'autres femmes parmi l'assemblée, et se détourna.
Elle était assise sur une caisse d'acier encore relativement propre - ces places étaient chères dans le petit hangar crasseux où ils se trouvaient, en orbite d'un monde au nom imprononçable des zones neutres, quelque chose comme "Zratoutzirschtsch", ou dans le genre - et examinait son paquetage, et ce qui s'y trouvait. Que des trucs bricolés. Aller quelque part où l'on ne pourrait pas utiliser de boucles magnétiques plus évoluées que celles de sa combinaison ou de son gros sac - et encore heureux que celle-là marchent! -, c'était une idée tordue, mais plaisante. De toutes façon, la paye serait généreuse: Elle connaissait les Scaliger - et eux elles dans un moindre mesure - depuis plus de dix ans, quant aux Galtieri, ils payaient toujours. Ils en avaient les moyens, cette de bande de déchets. Elle eut un sourire en vérifiant que son arme était bien rangée; un ancien modèle de la Fédération, fabriqué par la MMK (Merkur Minen Korporation), plus tard repris par les manufactures d'armes de Galicia Prime. Si elles étaient rares ces manufactures d'armes, et sans haute technologie, elles faisaient un boulot ahurissant. Adapter un flingue fait pour les balles standards terriennes du XXIVème siècle aux calibres du XXVIIIème, tout en ajoutant une fonction lanceur de crochets - un truc typiquement Galicien, qui servait à l'origine aux soldats du Khan, utilisant la portée et la capacité à déchiqueter pour mettre l'ennemi hors de combat depuis le cheval dans les plaines de leur planète dans le cadre de la guerre de guérilla, et qui s'est un peu répandu, quoique le savoir-faire soit assez unique. Ces petits crochets de duracier de deux à trois centimètres, placés dans une gaine adaptée, volaient à une vitesse ahurissante pour une aérodynamique aussi douteuse. Cela ne serait certes pas aussi bien qu'un bon vieux fusil à impulsion comme elle les connaissait depuis ses neuf ans, mais ça ferait tout de même l'affaire faute de mieux si on le couplait avec les balles. Et en plus, le machin à crochet était silencieux. Un vria truc d'assassin. Vaguement, elle se disait qu'il pourrait être intéressant de le commercialiser dans certains cercles.
Björn conférait dans son coin avec ses adjoints; un type assez louche, une pirate d'un roux flamboyant au bras cybernétique du coin qui n'attendait manifestement que le premier moment où elle en aurait l'occasion pour piller le maximum possible, et l'homme de confiance des Gomezo, qui avaient également une participation dans l'affaire, au teint sombre et au profil bas.
Tout en repoussant au fond de son sac robuste l'arme bien rangée, elle se remémora l'histoire qu'elle avait entendue dans un bar de Carcaran, celle d'un vaisseau plein de corps de luxe à transplanter, de silos entiers de drogue de qualité, et finalement d'armes lourdes prometteuses, écrasé au milieu d'un continent d'un monde hostile où une histoire bizarre de champ magnétique empêchait les appareils à plasma ou a impulsion énergétique de fonctionner. C'est que ça intéressait du monde ce césame; d'après ce qu'on disait, un clan de Carcars était aussi sur le coup. D'aucun auraient dit que c'était du pipeau, mais elle n'avait rien sur le feu à ce moment là, ayant brassé une dernière cargaison de mines à fusion, et s'était équipée chez ce vieux colosse Galicien avant de partir pour Zratouzrishtschtschra - elle n'y arrivait décidément pas avec cette saleté de nom -.
Le Galtieri était parti avec les siens. Lui n'allait pas avoir à y aller. Elle ne fit pas d'effort pour retenir le sourire qui lui venais en imaginant ce "poids lourd" dans la jungle profonde de la planète - Itzcali.

Le hangar était étroit et en plus encombré de caisses en tout genre, dont certaines devaient contenir des produits moisis depuis une éternité. Il fallait dire que la station sur laquelle ils se trouvaient datait de l'époque de la Fédération Terrienne Unie, et avait été bricolée de toute part. Si ça tombe ces caisses contenaient du "bon" fromage terrien et d'autres immondices immangeables du temps d'avant les synthétiseurs. Une trentaine de personnes des divers coins des zones neutres et au-delà s'y entassaient, alléchés par la prime intéressante - et peut-être aussi par l'inconnu. Des gens seuls comme elle, ou alors de petites bandes. Les Scaliger n'aiment pas engager de gros groupes déjà formés, ça déstabilise et peut entraîner d'autres fâcheuses conséquences, du genre l'expédition se tire avec le butin.

Fermant d'un geste vif la fermeture mag de sa sacoche tout en passant son autre main dans ses cheveux, avant de croiser les bras, elle s'adossa contre le gros manipulateur robot antique et manifestement en panne rangé derrière sa caisse - attendit la suite.

Zratouzrishtschtschra, voilà bien le nom d'une localité écrite par un trisomique endormi sur un clavier. D'ailleurs l'état des lieux confirmait le pressentiment de Katarina. Ce coup sentait l'arnaque mais elle y était allée quand même.La rumeur parlait d'un cargo perdu au milieu des montagnes, et du gros fric a la sortie. Vu le ramassis de tueurs présents c'était soit vrai, soit faux. Le recrutement ne concernait pas une bande mais des particuliers, ce qui permettait de se distinguer parmi les ploucs, en descendre quelqu'un et les dévaliser si besoin était ; chose qui risquait d'arriver si le gros pervers l'avait arnaquée. La majorité des gens ici portaient des protection balistiques potables, conçues pour... des armes à impulsion magnétique, énergétique... pas des flingues de l'époque pré coloniale ! Ca au moins c'était intéressant (et bizarre) : un coin où rien ne fonctionnait. Katarina passa entre deux balourds moches et crasseux et posa son sac (contenant une bonne réserve de munitions, une machette, une lamps-si elle fonctionnait- des vivres mangeables pour quelques jours, quelques vêtements, une trentaine de grenades a fusil et divers équipements qui fonctionneraient dans ce trou ainsi qu'un Wz.56 skeïb avec un lance patates et une lunette de visée) devant ses pieds, elle avait du remplacer ses deux magnifiques Q15 par, comble de l'horreur, des pistolets à air comprimé achetés par correspondance dans une boutique de plongée sur Lüderitz. Chaque arme pouvait tirer quatre fléchettes à la fois s'il le fallait. On était loin des trente coups de ses pistolets habituels !

Katarina passa l'assemblée au crible. Pas mal de tueurs, certains en avaient vu pas mal à leurs airs, d'autres n'avaient rien vus et se prenaient pour des caïds : leurs épaules n'étaient pas assez affaissées. Certains avaient aussi été en prison, visible grâce à une sorte de creux au milieu de la poitrine, signe du temps qui passe dehors et qui s'immobilise dedans. L'ensemble aurait fait pleurer un gosse après cinq minutes. Le regard bleu inquiétant de Katarina/Veronica/Soledad et tant d'autres prénoms passa sur une rousse visiblement déterminée, plutôt jolie, le porc en rêvera la nuit, elle prit une photo avec son oeil. Quelques autres étaient trop effacés pour être détaillés, elle zooma sur une autre rouquine mais l'éclairage de ce trou pourri ne fonctionnait pas assez bien. Son propre visage était soigneusement caché par sa longue cape, qui empêchait par ailleurs de déterminer son sexe et avec les bonshommes employeurs ça valait mieux... pour eux.

Katarina avait beau chercher, elle ne voyait pas de matériel. S'il s'agissait d'évacuer un cargo il en faudrait, et du conséquent. À moins que la population locale ne serve a cela pensa-t-elle en affichant un sourire cruel sous sa capuche. En fin de compte une arbalète aurait été pas mal pour ce job. Mais encore aurait-il fallu savoir tirer avec...

Bonhomme pervers se tourna et se prépara a parler, Katarina croisa les bras et attendit la suite tout en se demandant si le fils Galtieri était réellement capable d'agresser une femme avec sa corpulence ou s'il lui fallait de l'aide pour ça aussi.

-Bien, comme vous en avez entendus parler on a un cargo qui s'est écrasé dans la jungle d'Itzcali. Votre travail est d'aller le récupérer, et on sait payer. Monsieur Camonte va vous détailler la suite des opérations.

Pas croyable ! Ce type se croyait dans un film d'action jadéen ou quoi ? À l'entendre il se trouvait dans une salle de briefing high tech d'on ne sait où. Le Camonte, au visage barré d'une cicatrice, s'avança et commença a déblatérer les détails techniques.

Nash avait choisi de la jouer discret pour ce coup. Son vaisseau était resté sur Alganzaar et il avait utilisé l'un des deux chasseurs de la soute : un "Bantha", pour se rendre au point de rendez-vous convenu avec les Galtieri pour leur "mission". Ils étaient une petite trentaine à attendre à présent dans ce qui ressemblait plus à un ensemble de tolles cousues (oui cousues, vu l'Etat des murs) ensembles et tenant par une opération miraculeuse de l'Esprit Saint.

Bref, toujours était-il que le dernier Raid mener par le Shark ne s'était pas montré aussi rentable que prévu, et que le cargo était coincé sur Alganzaar faut d'hyperdrive potable. Lydia avait réussi à convaincre son frère d'engager les six membres de l'équipage et le Shark pour assurer des patrouilles de sécurité et de douane pour le compte de l'Etat Alganzaariote. Mais bon, c'était surtout pour les occuper en fait. L'Argent de la paye suffisait à peine à les nourrir et à payer le carburant. Ainsi, Nash avait décidé de chercher un vrai travail pour tirer son petit groupe de là. Et les Galtieri étaient arrivés avec leur cargo crashé quelque part entre nulle part et ailleurs. Nash n'avait fait ni une ni deux. Bonne paye égale peut-être un nouvel Hyperdrive.

Deux jours plus tard, il avait acheter une vieille arbalèthe à répétition à dix coups, parce qu'à ce qu'il parait, tout ce qui ressemblait à un flingue moderne ne fonctionnait pas sur cette foutue planète. Nash avait donc du dépenser ses derniers crédits pour acheter l'arme et une soixantaine de carreaux qu'il portait dans un sac dans lequel il avait adjoint une corde, une outre pleine d'eau, des rations de survie pour huit jours et une flasque d'huile ainsi qu'une lanterne à capot. Parce que si tout ce qui ressemblait à un flingue ne fonctionnait pas sur Zutrucmachin, il y avait fort à parier que la dernière des lampes de poche ne marcherait pas non plus. Nash avait en outre ajouter une boite d'allumette et une bonne douzaine de paquets de clopes à son barda, parce que d'elle, il aurait du mal à s'en passer. Un vieux réchaud à gaz accompagnait également tout ce joyeux bordel surmonté par un magnifique duvet. Comme arme secondaire, outre son couteau Suisse, Nash avait prévu trois couteaux de chasse glissés dans sa ceinture.

Il était en train d'analyser la manière dont était fait les carreaux de son arbalèthe afin de pouvoir les reproduire, s'il en avait besoin une fois dans les bois lorsque tout ça aurait commencé, lorsque le fils Galtiera lança à tout le monde :

-Bien, comme vous en avez
entendus parler on a un cargo qui s'est écrasé dans la jungle
d'Itzcali. Votre travail est d'aller le récupérer, et on sait payer.
Monsieur Camonte va vous détailler la suite des opérations.

Monsieur Calmonte commença alors à détailler la suite des opérations. Nash avait déjà décroché depuis cinq bonnes minutes. S'allumant une cigarette, il attendait juste qu'on veuille bien l'envoyer sur cette foutue planète récupéré leur foutue cargo et qu'on lui donne sa paye pour qu'il puisse se payer cette saloperie d'hyperdrive et qu'il puisse retrouver les commandes de son vaisseau adoré ...

Une fois que l'énorme bonhomme fut sortit de la salle en se dandinant, son délégué commençant à donner les détails. Ainsi, il était question d'un machin de systèmes anti-G dont les espaces de confinements sophistiqués devaient permettre de faire s'élever assez haut l'épave du cargo pour lui permettre de réutiliser sa propulsion atmosphérique , et se poser sur l'une des petites îles au Nord ouest du continent, les marchandises seraient prestement transbordées sur un autre vaisseau, apte à s'envoler lui. Mais bien entendu ré-équiper un vaisseau avec les inhibiteurs - détournés des systèmes de foyers solaires Christianiens fait pour fonctionner à une grande proximité des puissantes marées magnétiques de certaines étoiles - risquerait de durer très longtemps et d'être très couteux. Tandis que les utiliser comme des balises à monter rapidement sur la carcasse depuis le sol serait bien plus rapidité, tant donné qu'il s'agirait juste de survoler le territoire.

Bien entendu, cela était sur le papier. Mais, se dit avec cynisme Hel, des trucs allaient sûrement partir de travers. Un type pète les plombs et fout le feu au camp, une armée monstrueuse d'indigènes armées de gourdins, d'axatls (propulseur à lance, NRP) et de sarbacanes tombe sur tout ce beau monde... Fin', c'était l'aventure.

Le technicien en avait terminé, indiquant que les balises anti-G spéciales étaient déjà embarquée, et qu'un type chargé de les installer une fois sur place attendaient à bord d'un petit corsaire spatial qu'on avait préparé, et qui serait sous le commandement d'un homme à la botte des Scaliger. Puis, il fit signe à Björn, et les deux hommes conversèrent un instant. Enfin, Cardone eut une grimace, et s'en alla sans un regard en arrière.

-Bon, on y va, grogna-t-il, on va embarquer.

Katarina haussa les sourcils, toujours soigneusement cachée derrière sa capuche. Bref, il ne savait rien. Faudra faire avec. L'ex officier gauman tomba sur une tête entraperçue quelques années plus tôt puis revint sur la deuxième rousse, elle l'avait déjà vue quelque part elle aussi, en urgence pour l'un ou l'autre truc. Bah, on saurait bien plus tard. Katarina ramassa son sac et se dirigea vers le vaisseau, théoriquement soudé mais plus que probablement riveté par en dessous. L'intérieur était aussi peu glorieux que le dehors, en fait c'était encore pire. Katarina eut envie de rire à l'idée de la tête de n'importe quel tech des douanes de n'importe quelle contrée civilisée, il n'aurait jamais trouvé suffisamment d'articles dans un règlement pour qualifier l'état de ce vaisseau ; elle tâta un siège du pied qui s'effondra puis poursuivi du côté de ce qui fut une salle à manger (aujourd'hui un espèce de dépôts de pièces détachées chose très compréhensible en fin de compte, la porte flingues avisa une banquette et chassa deux trois choses -il n'existait vraiment aucun autre terme- d'un coup de pied et écrasa un machin ressemblant à un trylobite, un coup d'oeil en dessous de la banquette infirma la crainte d'un nid à proximité. Elle s'assit en occupant toute la banquette et s'appuya contre la cloison. Elle finit par repérer le nid à sales bêtes de l'autre côté de la pièce. Les murs de l'endroit étaient sordide au possible. L'un des panneaux du plafond avait sauté et le câblage, à la fois trop bien et trop mal graissé trainait au "grand" air. L'état des murs relevait du dégoutant, des trainées d'huile, de sang et d'autres substances semi liquides propres aux Galtieri et à leurs us et coutume donnaient aux lieux un aspect à tuer un gamin plutôt qu'à le faire fondre en larmes. Katarina repéra une vieille caméra hors d'usage, trois chaines pour antique tronçonneuse -elle avisa une quatrième à proximité immédiate qui fila à l'abri-, les menottes ne devaient pas être loin. Cette poubelle avait vraiment servi a absolument tout. Il y à trois ans elle aurait changé de coin immédiatement, aujourd'hui même plus.

Aucune indication sur la paie, il fallait espérer qu'il y ait quelque chose a piller là-bas... Un drôle de type avec un chapeau de pluie sur la tête entra et, remarquant la jeune femme, jeta un oeil sur la pièce et repéra tout de suite le nid a gros insectes. Sans un mot bonhomme moustachu chercha dans le bric a brac et émergea avec un pot d'huile à moitié plein qu'il versa lentement autour du nid puis retourna dessus.

-C'des Sriphnis, des insectes de Saranov. Ces trucs pondent des oeufs sous la peau et comme toute bête normale, supportent pas l'huile pour moteur. Bonhomme portait une arme bizarre ressemblant à un pistolet de compétition.

-Ptet bin qu'ouais, répondit Katarina, elle se tourna ostensiblement, mimant quelqu'un s'endormant.

-Je m'appelle Richard et toi ? demanda-t-il en ignorant l'attitude de son interlocutrice.

-On m'connait sous le nom de Soledad.

Nash se glissa à la suite du lot, tira une ultime et longue bouffée sur sa cigarette et la jeta par terre avec un geste désinvolte. Lorsqu'il entra dans le "vaisseau", il regretta profondément son Cargo et même son chasseur malgré le manque de place. Au moins, lui prenait le soin de ranger. Il se glissa entre les décombres jusqu'à un dépôt ou trainait toutes sortes de conneries inutiles et quelques chaises et fauteuils. S'emparant de l'un d'eux, il s'installa et posa tranquillement son arme contre l'accoudoir. Il poursuivit son inspection en faisant un bref tour de vue de la salle. Il devait bien y avoir deux ou trois trucs à récupérer pour compléter son barda non ?

Selon la classification bien à elle que Hel avait établi depuis une dizaine d'année, cette casserole spatiale était en catégorie moyenne-basse; saleté dans les coins, mais globalement on peut bouger à travers les compartiments sans se retrouver embourbée jusqu'au genoux dans de la gelée d'une couleur suspecte et fluorescente. Le vol allait être assez bref d'après ce qu'ils avaient dit à l'arrivée sur la station, mais bon, à bord d'un tel carrosse, on n'était jamais à l'abri d'un incident technique. Après un rapide tour des lieux - une banquette occupée, plusieurs sièges aussi, elle avisa ce qui semblait avoir été une établi intégré dans la parois, qu'elle déblaya d'un geste du bras. Une demi-douzaine de synthétiseurs en panne, quelques paquets plastiques contenant une substance grise liquide et un vieux flingue déglingué tombèrent sur la sol crasseux entourés d'un nuage de poussière? D'une détente, elle s'installa sur l'espace libre, qui, malgré sa propreté douteuse, restait hors de portée de ce qui grouillait par endroit au sol. De toutes façons le revêtement de sa combinaison devait éviter que la crasse ne se colle à elle.
la trentaine de types recrutés pour cette histoires se partageaient entre les deux plus grandes pièces - il était possible qu'on ait préalablement tenté d'y faire le ménage, comme semblaient l'indiquer les deux tas de ferraille dans les coins opposés, pendant que la soute était réservée aux machines sensées arracher le cargo écrasé à la surface. L"équipage, trois marins à l'air antipathique, un ingénieur responsable du chargement, et un capitaine ne s'exprimant qu'alternativement par grognement et par reniflements, semblait ne pas être formé de spécialistes surentraînés de la mission commando, mais la jeune femme pensait qu'il atteindrait sans doutes le "bon" port. D'ailleurs, on allait bientôt partir de toutes façons.

Un des marins arriva dans la salle, et annonça d'une voix à l'accent d'Alexandrie qu'ils allaient en effet partir, et qu'il faudrait passer la moitié de la nuit ici. Apparemment, de vieilles couchettes pourraient être sorties d'armoires murales invisibles. Hel frémit à l'idée d'être au sol,et décida l'instant d'après qu'il faudrait mieux rester sur son perchoir, ou, le cas échéant, sur un autre endroit inacessible à la vermine..

Katarina jeta un regard courroucé au type qui était occupé a tout mettre sens dessus dessous dans le bric a brac au fond et renonça a dormir pour l'instant. Elle se leva et attrapa, entre deux grandes brassées de l'importun avec ses couteaux de chasse un autre pot d'huile en bon état (trouvaille !) et une paire lanières de cuire épais. Cela fait elle sorti dans un premier temps la chaîne a tronçonneuse et enroula le cuire a un bout en le fixant sur cinq dents et obtint une poignée potable. Avec ses gants cela passerait, le fouet nouvelle génération trouva une place à sa ceinture. Elle sorti ensuite son Wz.56 et entreprit de nettoyer l'arme ce qui eut au moins le mérite de l'occuper pendant trente minutes. L'arme de côté, cinq chargeurs vide et une boite de munition sortirent de nulle part. Les lèvres des magasins étaient de bonne qualité, unique compensation pour leur capacité ridicule de 25 cartouches. Cela n'avait qu'un mérite sur ce dérivé skeïbien du Zul MKI : le chargeur disparaissait dans la structure de l'arme, ce qui offrait un gain en ergonomie. Cela fait, Katarina croisa les jambes sur la banquette qu'elle occupait en seigneur et matriarche et posa son fusil dessus, elle piqua un somme qui, espérons-le, ne serait pas troublé avant l'arrivée. On n'avait pas présenté de chef réel a cette expédition se dit-elle avant de fermer les yeux.

Entendant qu'il semblait être temps de traquer une couchette, Nash abandonna toute idée de trouver un objet qui puisse lui servir à quoi que ce soit. Mais en détournant les yeux du tas d'ordure, il remarqua, au milieu du bordel à gauche de son siège plusieurs petits bâtonnets luminescent, du genre de ce dont on tire un bout pour provoquer la combustion du gaz prisonnier à l'intérieur, et générer une lumière vive pendant quelques minutes. Parfait. Fixé au bout d'une de ses flèches ça pourrait faire une excellente fusée de détresse.

Avisant un cable en acier qu'il estima d'une longueur de dix ou quinze mètres, il s'en empara et l'enroula autour de son épaule. C'était mieux qu'une corde en chanvre. D'ailleurs, la sienne ne faisait que dix mètres. Fourant le cable de son sac, il se redressa dans l'idée de repérer un endroit ou s'allonger. Manque de bol, en cherchant son matériel, il s'était fait piquer la dernière place. Il retourna donc en direction de son fauteuil et s'y laissa tomber en allumant une dernière cigarette avant d'aller se coucher.

Vers trois heures du matin (Heure Standard), a milieu des ronflements sonores et des murmures étouffés - un des mercenaires parlait même pendant son sommeil une langue bizarre -, un bruit bizarre se manifesta. Probablement un des insectes suspects en provenance du trou entre la cloison de cette salle et celle du compartiment moteur; après avoir mordu un type - qui gémit sans arrêter de dormir -, la bestiole devait en avoir eut marre de cette mauvaise chair, et était repartie.
Puis, à 4 HS, tout le monde fut réveillé par un affreux sifflement en provenance de la salle de machine; pendant de longues minutes, il perça l'air.
Hel fut sortie par lui de l'état de relation où elle était, après avoir pris l'un des comprimés neurostims sans lesquels elle ne sortait que rarement, pour l'empêche de s'endormir totalement sans pour autant être épuisée pour la suite. Quelques instants après qu'elle eut secoué sa tête, fait craquer les articulations de ses doigts -manie qu'elle avait vu si souvent faire de la part de son oncle qu'elle l'avait reprise inconsciemment - et fortement baillé, l'homme lige des Scaliger, 'Stave Björn le visage marquant une humeur morose qui pourrait rapidement virer au mauvais, arriva, accompagné du capitaine:

-Bon écoutez, déclara-t-il brutalement, tirant les derniers dormeurs des bras de morphée, j'viens d'avoir de mauvaises nouvelles d'la part du capitaine. Parait qu'un machin est mort dans le compensateur géodésique de l'hyperespace. On est tout juste sortit à temps à côté d'ce bled, et ils vont réparer pendant qu'on s'ra en bas. N'est-ce pas?

Le capitaine émit un grognement approbateur en regardant par dessus le chef de facto de l'expédition.

-On descendra dans ce pays de merde d'ici une demi-heure, aussi près possible de notre objectif. Une fois déchargé le matos, le vaisseau partira vers le point de ralliement. Nous restera plus qu'à apporter la camelote au cargo crashé, à l'envoyer à l'endroit où il pourra être déchargé, et ça sera bon, vous serez tous correctement payés. Z'avez entendu l'autre Galtieri.

Il toisa l'assemblée désormais bien réveillée.

-Des questions?

Un type s'avança, petit homme au regard glacial, portant au dessus d'une combinaison rafistolée une veste assez dégoûtante dont les manches avaient étés arrachées:

-Mais si le matos normal marche pas l'-bas, en cas de problème, on fait quoi, hein?

La fin du "hein" était traînante et nasale, donnant un ton très désagréable, qui fit encore plus frissonner Hel que l'éventualité de se retrouver coincée en bas. Du reste, une série de grognements d'approbation et quelques "ouais" crachés par des voix ensommeillées montèrent.

-[color=royalblue]Même si ça arrivait, commença Björn avec un sourire féroce, suffit de s'éloigner assez de l'équateur pour que vous utilisiez de nouveaux vos jolis petits boitiers com. à 4000 crédits. D'autres réclamations? Car une fois en bas, le service après-vente sera momentanément indisponible.

Donc la poubelle avait coulé une bielle en arrivant. Sympa. Katarina se déboucha les oreilles et prit la parole tout en terminant de bailler. Au moins on allait bientôt quitter ce vieux tacot pourri, l'espèce d'absent servant de capitaine n'avait même pas l'air d'avoir envie de réparer sa ferraille.

-Ouaaaaaaaah Ouais j'ai une question. On y va comment ? à pied, en bateau ou alors on réquisitionne des porteurs ?

Elle accrocha son fusil a son côté droit tout en parlant et releva la tête pour la réponse.

Nash suivit la conversation de loin, sans poser de question. Avachi dans son fauteuil, il sommeillait encore à moitié en pensant à une tasse de café. Lorsqu'enfin il réalisa qu'une tasse de café ne se matérialisait pas juste parce qu'on y pensait, il se décida à se redresser pour essayer de suivre la conversation. Avalant un comprimé de vitamine C il se leva et hissa son arbalète sur son épaule. Le Capitaine et son copain étaient dans l'autre pièce. Du coup, pour arriver à les voir, il vaudrait mieux bouger de quelques centimètres.

Jouant des coudes pour venir se caser dans l'entrebâillement de la "porte", il s'adossa contre l'encadrement et s'essaya à l'épreuve difficile qu'on lui imposait : suivre une conversation à trois heures du mat' heure standard, à bord d'un foutu rafiot en carton. Il était question d'un truc HS. Il n'avait pas très bien compris quoi. Probablement du Matos obsolète qui ne servait plus sur son bon vieux Bulwark ... Il était aussi question de descendre. Nash ignorait encore comment. Il esperait juste qu'on ne lui ferrait pas descendre vers la planète à bord d'une nacelle de survie ...

Björn eut un sourire sans humour devant la question de la mercenaire:

-On fera deux cent cinquante kilomètres sur une barge avec un moteur à combustion, puis soixante à pied. J'espère qu'vous avec de bonnes chaussures. Et de l'anti-moustique.

Devant la mention des moustiques, Hel fit une grimace, puis haussa les épaules. en cas d'extrême urgence, elle pourrait dormir avec son bon vieux bloc Motograv activés; il fonctionnait mécaniquement, du moins pour son activation, et elle ne pensait pas avoir besoin de connaître les informations sur la circulation routière de l'ordinateur de bord là où ils iraient.
Björn allait tourner les talons, mais ajouta finalement:

-Faudra aussi se méfier des indigènes. Z'ont un sens très particulier de l'hospitalité à c'qu'on dit.

Suivit du Taciturne, premier maître à bord après dieu, le mafieux-en-chef regagna le cockpit.

En fait, l'atterrissage dura près de trois quart d'heures. Depuis les deux uniques hublots de la salle, quelques privilégiés purent suivre l'approche. D'abord, tout n'avait été que nuages d'un blanc immaculé, avant de laisser place au bleu profond de l'océan. Puis, après dix minutes, il s'était avéré que le pilote s'était trompé de direction; en effet, une fois le vecteur corrigé, ils virent apparaitre bientôt la plage, et ensuite une vaste steppe. Celle-ci était traversée par quelques fleuves dont les eaux irriguaient paresseusement quelques bordures fertiles, tout cela rappelant à Hel les Badlands où se trouvait Kamensk.
Puis, la végétation devint lentement plus exubérante, comblant les espaces herbeux et sablonneux. Enfin, ce fut une épaisse jungle qui s'étendit jusqu'à l'horizon, limité à l'est par de lointaines montagnes. Pas la moindre trace d'activité humaine dans cette nature sauvage.
Leur casserole devenait de moins en moins maniable, signe que l'on s'approchait de la limite de fonctionnement de systèmes modernes. Le pilote avisa tant bien que mal un des derniers terrains herbeux assez grand pour les accueillir, en bordure d'un fleuve, et y posa avec une douceur étrange son morceau de ferraille hyper-capable.

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